Le bruit de l’eau

Quand on vit au bord d’une rivière, entendre le bruit de l’eau fait partie de la vie. Le pêcheur qui habite sur la côte entend les marées de l’océan comme il s’entend respirer. Celui qui habite au bord du Gange entend le flot ininterrompu du fleuve comme il entend les battements de son cœur. D’habitude, ce fond sonore est une présence constante et stable. Mais telle une soudaine crise cardiaque qui frappe sans prévenir, il arrive que le gargouillis constant et apaisant des flots se change en de chaotiques et violents grondements de rage et de douleur. Lire plus

La côte du Tamil Nadu et les vallées himalayennes de l’Uttarakhand semblent être aux antipodes. À première vue, ces deux régions situées aux deux extrémités du sous-continent indien semblent n’avoir rien en commun… mais elles ont toutes les deux de l’eau, un flot constant d’eau – et à deux reprises, elles ont eu un excès d’eau tragique.

La dernière fois que j’ai aidé à coordonner la visite des bénévoles japonais, c’était à Nagapattinam, au Tamil Nadu. Les étudiants étaient venus participer aux opérations de secours d’urgence après le Tsunami. Je suis ici en Uttarakhand depuis quelques jours et je ne peux m’empêcher de constater que les dégâts sont similaires.Il y a tant de scènes surréalistes, des choses sorties de leur contexte habituel : une voiture sur un toit là où il n’y a pas de route, un lit là où il n’y a pas de chambre, les murs d’une maison là où il n’y a pas de fondations.

Mais les dégâts invisibles sont encore plus accablants – là où la violence et les ravages du tsunami ont totalement rayé des endroits de la carte – là où il ne reste littéralement plus rien.

Au-delà de ce qui est visible, il faut s’attarder dans un endroit pour comprendre comment les ravages ont opéré en profondeur. En parlant aux survivants, on apprend que certaines maisons ont été épargnées, mais qu’elles ont perdu un ou plusieurs membres de la famille. On apprend aussi que le propriétaire d’un hôtel a eu la chance de ne pas perdre son gagne-pain, mais ne voit plus aucun touriste parce que désormais les voies d’accès tiennent plus du chemin de randonnée que de la grand-route.

Ainsi, dans ces deux endroits, après le bref mais terrible tintamarre qui a signé la destruction soudaine, l’eau a repris son débit normal et apaisant. Elle est redevenue une composante constante de la normalité que ces gens ont toujours connue. À ce stade, les habitants ont choisi de continuer à vivre, de reconstruire leur vie et de sourire. Pour autant que j’ai pu m’en rendre compte, en quelques jours, dans ces villages de l’Himalaya, comme autrefois dans les régions côtières du Tamil Nadu, les gens ont repris le dessus à une vitesse vraiment surprenante.

Quelques mois à peine après une telle catastrophe, nous ne rencontrons ici que chaleur et beauté, tous sourient et rient. C’est facile d’envier la résilience, le courage et la simplicité avec laquelle ces gens font face tous les jours à la vie. Si l’on ne voyait les routes détruites et les débris jonchant les alentours, personne n’imaginerait que ces gens viennent de subir pareille catastrophe.

– Gautam